Si cette technologie de rupture se confirme, les assureurs devront eux aussi réviser leurs fondamentaux. Dans un monde qui verra la production de masse obsolète et où les produits seront téléchargeables, personne ne pourra faire l’économie d’un aggiornamento.
En annonçant régulièrement de par le monde l’expérimentation de chantiers en impression 3D, avec des résultats toujours plus probants, le BTP montre indéniablement qu’il s’est hissé dans cette compétition de l’innovation.
L'impression d’une maison... Rien que l'expression est perturbante. Non seulement pour un constructeur, à qui on annonce qu’il sera possible d’ériger 10 maisons de 200 m² en une semaine, pour l'économiste qui entrevoit la maison au prix unitaire de 4300 €, pour l'écologiste, qui rêve d’un ouvrage imprimé avec un béton issu de déchets de construction, pour le politique, qui cherche des outils pour répondre à la crise du logement, et pour le juriste, qui ne peut s’empêcher de regarder avec inquiétude un corpus législatif conçu avant tout pour des constructeurs, mais pas pour des imprimeurs.
Pourra-t-on encore parler de contrat de louage d’ouvrage pour qualifier le marché liant un futur propriétaire et son imprimeur ?
La construction en 3D fera inéluctablement forte impression, si l’on peut dire, sur les modèles traditionnels de l’assurance construction : comment assurer un industriel qui imprime une maison sur un terrain ? Comme un concepteur ? Un fabricant ? Un constructeur dont l’activité se résume à imprimer des structures ?
La question de la qualité des matériaux se posera également avec acuité, puisqu'il faudra bien concilier notre imposant cortège de normes avec l’innovation exponentielle à portée du professionnel, comme du particulier.
Même progressive, cette mutation inéluctable redistribue les cartes : le consommateur ne se contentera plus d’assembler des pièces préfabriquées par un industriel comme il le fait quand il assemble un jouet ou une commode. Le consommateur deviendra en quelque sorte le légataire universel du fabricant du produit qu’il créera en achetant ou en se procurant le plan, reléguant inexorablement le fabricant professionnel à une activité de concepteur de plans.
La reproduction d’un objet protégé par la loi risquant de tomber sous le coup de la contrefaçon, les nombreux droits protégeant la propriété intellectuelle tenteront d’arbitrer ce gigantesque bras de fer opposant anciens et modernes, tenants de la protection contre tenants de l’innovation.
Ces bouleversements seront forcément perçus comme une chance par certains, et une menace par d’autres. Ce que résumait très bien l’initiative Public Knowledge dans un livre blanc au titre un rien provocateur : « Ce sera incroyable s’ils ne fichent pas tout en l’air : l’impression 3D, la propriété intellectuelle et la bataille autour de la prochaine grande technologie de rupture » (2).
Une seule chose semble constante dans ce monde en mouvement : l’avenir ne sera une menace que pour ceux qui ne s’y prépareront pas.
(1) rapport semestriel International Data Corporation
(2) “It will be awesome if they don’t screw it up: 3D printing, intellectual property and the fight over the next great disruptive technology.” Public Knowledge, nov. 2010